Après de nombreuses journées passées en mer pour traquer Labrax, il me tardait de clore ma saison sur l’Elorn et de poursuivre ma quête éternelle de Salmo salar.
Malgré de nombreux poissons dans la rivière, la fin de saison n’avait pas été exceptionnelle en termes de captures, à cause de niveaux d’eau restés bas et de conditions météo peu favorables (beau temps !)
En ce mercredi 27 Octobre, une petite pluie fine et un temps plutôt bouché me décident à descendre vers la rivière, celle qui chaque saison me permet de partager avec mes hôtes, les joies de la pêche en mouche sèche de truites fario 100 % sauvages, dont les densités et la taille moyenne sont assurément les plus élevées de toutes les rivières du Massif Armoricain.
En cette fin de saison, les saumons sont nombreux dans la rivière (1235 poissons ont été enregistrés grâce au vidéo-comptage de la passe de Kerhamon située sur la partie basse, à la limite amont de la zone d’influence des marées) et sont potentiellement agressifs à l’approche du frai et à la faveur d’une montée des eaux.
Cas rare en France, la pêche du saumon est possible sur l’Elorn jusqu’à fin Octobre.
Cette ouverture évidente vers le développement du tourisme pêche, est naturellement encadrée de mesures conservatoires : pêche à la mouche sur hameçon simple uniquement à partir du 15 juillet, limitation des jours de pêche aux week-ends, jours fériés, lundi et mercredi, soit 3 jours de fermeture hebdomadaire (mardi, jeudi et vendredi).
A partir du 15 octobre, la libération des captures est obligatoire (no-kill intégral). La moitié du cours moyen et la partie supérieure de l’Elorn constituent une zone sanctuaire où toute pêche du saumon est interdite et où les poissons peuvent attendre la période du frai en tout quiétude.
A noter qu’en 2010, les TAC (Totaux Autorisées de Captures) pour l’Elorn étaient respectivement de 28 saumons de printemps (2 hivers de mer) et de 250 castillons (1 hiver de mer).
Les saumons de printemps mesurent de 68 cm à 85 cm environ et pèsent de 3 kg à 6 kg.
Leur migration en rivière s’effectue le plus souvent de mars à mai.
Les castillons, “gwennig” en Breton (petits blancs) ou grisles (chez nos amis Anglo-saxons) migrent en été.
Ils mesurent de 50 cm pour les plus petits à 65/70 cm environ, pèsent le plus souvent de 1,5 kg à 3 kg.
A noter qu’en 2010, ce sont 939 poissons qui se sont engagés dans l’Elorn entre le 02 juillet et le 16 septembre.
Une migration d’automne est également observée (34 nouveaux poissons les 15 premiers jours d’octobre).
Je commence ma quête en milieu de matinée sous une pluie fine.
Ma moitié, Lydie, m’accompagne, histoire de profiter de la ballade et de la beauté de cette vallée boisée qui se pare d’infinies teintes automnales.
Je pêche aval à l’aide d’une soie flottante Rio VersiTip équipée d’un bas de court fast sinking.
A l’extrémité de ma pointe en fluorocarbone (Rio Fluoroflex plus) 20/100ème, j’ai fixé une petite mouche irlandaise de type Ally’s Shrimp très dépouillée et pas trop brillante montée sur hameçon simple N°12.
Ma canne de 9’6”#7 me permet de pêcher en roulé depuis la berge et j’ai également prévu ma Winston 12’6”#7/8 à 2 mains afin de pouvoir atteindre les plus lointaines tenues et de pouvoir faire face à toutes les situations.
Une épuisette à long manche, large ouverture et filet ”no-kill” complète l’équipement.
Tout en descendant le parcours, Lydie et moi profitons de ces moments privilégiés du bord de l’eau, de cette vallée sauvage, royaume de la loutre et de l’épervier.
A la faveur d’une émergence de petits plécoptères sombres, les truites sont actives en surface et nous pouvons constater l’exceptionnelle densité du parcours. J’observe l’activité alimentaire en surface et fait également fuir de nombreux poissons dont les plus gros dépassent allègrement 40 cm*.
Chaque “trou” est prospecté méticuleusement et en toute discrétion : lancers courts tout d’abord, puis gain de distance progressif. Les saumons ne révèlent pas leur présence, mais je pêche en confiance, sachant que chaque ”pool” abrite des poissons potentiellement mordeurs.
Une parfaite connaissance des tenues de Salmo salar, même des plus anodines, est primordiale.
Une fréquentation assidue de la rivière pour la pêche de la truite en wading permet de prendre la mesure du relief du fond et des meilleures caches des saumons. Elle permet également de les apercevoir, de les identifier et de les localiser avec précision pour d’ultérieures parties de pêche.
L’eau monte légèrement et se teinte doucement, le temps est doux, le vrai temps breton avec son crachin si favorable à la pêche à la mouche.
Thunder & Lightning (FMF)
La prospection des courants, pourtant si favorable en automne, ne rapporte pas la tirée tant espérée.
C’est en tête d’un de mes biefs préférés pour la pêche de la grosse truite qu’à la première dérive de ma petite mouche, je ressens la touche, franche.
Le grand poisson est au bout et semble tout d’abord ne pas réaliser l’emprise de la ligne. Je l’amène rapidement dans mon champ de vision.
Le poisson devient rapidement méchant et effectue plusieurs rushes vers l’aval et l’amont et crève deux fois la surface. Frein réglé au mieux, je ne lâche rien sachant qu’il convient de ne pas «jouer» avec ces poissons proches du frai pour les relâcher au plus vite et dans les meilleures conditions possibles.
Après 5 bonnes minutes de combat, je parviens à mettre le poisson à l’épuisette.
Lydie n’a rien perdu de la scène qu’elle a immortalisée telle une “paparazzi”.
Je descends dans le lit de la rivière pour décrocher le poisson dans l’eau et lui rendre rapidement sa liberté. Quelques photos souvenir et le grand poisson rejoint les profondeurs de son pool.
Une petite Ally’s Shrimp sur hameçon N°12
La couleur de l’eau, légèrement troublée, est parfaite et nous continuons notre progression vers l’aval. Pourtant, le soleil se met de la partie ce qui n’est guère favorable. Je couvre les dernières tenues du parcours, sachant que c’est en fin de journée qu’il faudrait à nouveau concentrer les efforts.
Une spectatrice aussi imposante que majestueuse
Mes filles nous attendent à la maison et nous quittons la rivière vers 15h00, ravis par ce joli cadeau automnal qui met un terme à ma saison en rivière puisque je dois passer le week-end en mer avec mon ami Greg.
Vivre de telles émotions est loin d’être exceptionnel sur l’Elorn et le Léguer, plusieurs dizaines de saumons s’y laissant séduire par des mouches noyées chaque année.
Il faut juste être là au bon moment et au bon endroit.
Les services d’un guide de pêche connaissant parfaitement sa rivière, les meilleurs pools et les mouches efficaces et pouvant anticiper les conditions hydrauliques du cours d’eau sont à l’évidence l’idéal pour capturer un premier saumon breton à la mouche dans les règles de l’art.
Rendez-vous en 2011 qui sera, nous l’espérons tous, une grande année de migration de Salmo salar sur les rivières bretonnes.
Mes disponibilités pour les périodes les plus favorables de fin de saison (Septembre & Octobre) étant limitées (il s’agit conjointement de la meilleure saison pour le bar à la mouche), je vous encourage à réserver dès à présent vos journées de guidage saumon sur l’Elorn ou le Léguer.
*La réglementation de la pêche dans notre pays n’est pas à une absurdité près et l’on continue à laisser pêcher des truites affaiblies par le frai en début de saison (mars-avril), alors qu’il serait plus judicieux, comme c’est le cas sur l’Elorn pour le saumon, de favoriser la pêche en arrière-saison avec réglementation spécifique (mouche no-kill, hameçon sans ardillon), source de retombées économiques évidentes.
Pour exemple, aux USA, dans le Montana, on pêche la truite sauvage jusqu’à fin Novembre (no-kill) et on laisse les poissons tranquilles jusqu’au 3ème week-end de Mai !!